#hopitaldufutur : Maxime Perez-Zitvogel, pouvez-vous vous présenter et raconter votre parcours ?
Maxime Perez-Zitvogel : Je m’appelle Maxime Perez-Zitvogel, j’ai 30 ans. J’ai grandi en banlieue parisienne. Je n’ai manqué de rien. J’ai eu beaucoup de chance, j’ai beaucoup voyagé. J’ai fait beaucoup d’échanges. C’est d’ailleurs dans ce cadre-là que j’ai été piqué par le virus chinois, avant le Covid, dans le sens où je suis parti faire mon premier stage à 15 ans à Shanghai. J’ai adoré à l’époque. J’ai fait un bi-diplôme en business international, franco-chinois, entre Reims et Pékin. J’ai créé des start up, plusieurs en même temps, ce qui était peut-être beaucoup. Pour certains, c’étaient des signes avant-coureurs de ma bipolarité. Moi, je ne suis pas forcément sûr de ça. Je pense que j’avais une idée en tête, de faire quatre start up qui se lient entre elles, entre la France et la Chine. Et parce que ma mère faisait ça aussi et mon père plus ou moins, du coup, tout était possible, on va dire. J’étais peut-être un peu trop jeune, j’ai fait ça à 19 ans, 20 ans, pendant deux ans, jusqu’au moment où il s’est passé plusieurs choses sur place. Mais je pense que le vrai truc qui m’a rendu hyper triste et qui a fait que dans mon cerveau, il s’est passé quelque chose… Je sais exactement quand c’était, c’était le 14 avril 2015, à la Sainte Maxime, je suis très symbolique et tout ça, numérologie… Je me suis retrouvé par hasard, après avoir créé ma société, à avoir un peu de temps devant moi. J’avais un avion le lendemain matin, je voulais aller fêter ça avec un pote. Et en fait, sans faire exprès, en sortant du métro, on s’est retrouvés au cœur de la révolte des parapluies. C’est cette révolte à Hong Kong, où tous les jeunes se sont rebellés dans la rue pour dire qu’ils voulaient une démocratie et que Pékin était en train de les manger. Ça a fait un effet un hyper puissant sur moi. Je me suis dit, le lendemain dans l’avion, « Est-ce que je ne suis pas en train de me planter ? Est-ce que ce n’est pas un signe, au moment où je veux créer mes boîtes ? Quand on crée une boîte en Chine, il faut forcément avoir un associé chinois. Il y a plein de règles comme ça. Et je me dis, « mais est-ce que ce n’est pas juste un signe du fait que je ne peux pas rester ici et que ma place, elle n’est pas là » alors que j’y ai pratiquement passé dix ans, et finalement, peut-être pour rien ? Et là, j’ai pété un câble. C’est là que ma première crise de manie s’est déclenchée. Et sans me rendre compte, pendant six mois, j’ai déliré, et eu tous les symptômes de la bipolarité. Mais le problème, c’est que je ne savais pas ce que c’était. Et mes potes non plus, mais heureusement, ils ont appelé ma mère. Enfin, mon père d’abord, qui n’a pas réussi à me faire rentrer, ma mère à la rescousse ensuite, qui a pu tout manigancer. Dans mon dos, elle a tout organisé avec mes potes pour me faire prendre un avion et me ramener d’urgence en France. Parce que clairement, je jouais avec le feu. Et en Chine, si tu dérapes pour de vrai, il y avait eu ce cas d’un Français, six mois avant, qui avait dû partir en prison, c’est compliqué.
J’ai eu un rapatriement, parce que j’ai eu la chance d’avoir un docteur français qui a accepté de faire un aller-retour en avion, c’est quand même sympa, j’ai encore des contacts, il est venu ici… A peine arrivé, ils m’ont tout de suite diagnostiqué. Parce que ce que je ne savais pas, ce que je dis maintenant dans toutes mes interviews, j’en fais beaucoup, c’est que j’en avais beaucoup dans ma famille des bipolaires, et je ne le savais pas ! C’est vraiment le tabou français, je pense. C’est sûr maintenant. Et de là, j’en ai beaucoup voulu à ma famille. On m’a posé le diagnostic. J’ai eu une première hospitalisation où là, j’ai tout découvert, en pleine face, parce qu’en plus, j’étais sous contrainte, donc j’ai dû passer 12 jours sous contention, prendre un avocat, passer devant le juge des libertés. Tout ça, encore complètement perché. Et c’est hyper violent. Souvent, je dis que je ne souhaite pas à mon pire ennemi de vivre ça ! A un moment, j’étais attaché. Souvent, plus tu montes, plus tu descends, c’est souvent le cas. Pour moi, ça l’est. À la suite de cela, j’ai passé deux ans en dépression, 17 mois précisément, dans mon lit à regarder le plafond, à broyer du noir et à faire notamment une tentative de suicide.
Il faut savoir qu’il y a 2 % de bipolaires et 1 % de suicides chez les bipolaires, donc ça fait beaucoup de gens, en France. Beaucoup de gens, je pense, qui se sentent trop seuls, surtout, malheureusement. Et à la suite de cela, c’est ma petite sœur qui a été une forme d’élément déclencheur. Souvent, on me demande, « c’est quoi ton déclic ? » C’est ma petite sœur. J’ai eu de la chance, parce que, à la différence de beaucoup de gens, moi, j’avais un toit, j’avais de quoi manger, je n’avais pas le stress de remplir les papiers administratifs, toutes sortes de choses. Ce n’est pas pour rien qu’il y a 30% des gens à la rue qui ont un trouble psy. J’étais bloqué chez moi avec mon frère et ma sœur, ma petite sœur qui a donc 10 ans de moins, qui avait 12 ans, qui un jour, au bout de 17 mois, m’a dit « Mais alors, tu fais quoi en fait, mon grand frère ? » Et ça, j’avoue, ça m’a remotivé. C’est tout bête, mais il fallait juste ça. C’est d’ailleurs pour ça que très souvent, quand il y a des parents ou des proches qui viennent ici, je leur dis « Mais parfois, il faut juste un tout petit truc. » Ce n’est pas forcément le cas, mais ça a été mon cas en tout cas. De là, je me suis remballé un peu trop vite. J’ai refait un stage pour reprendre un peu de rythme. Ce que je conseille à tous les gens aussi qui sortent d’hospit’, c’est retrouver un petit truc. Moi, je travaillais pour Nicolas Hulot à ce moment-là. Mais il faisait une grosse campagne sur les réseaux, « Répondons présent », avec 80 assos en même temps, et j’avais la charge de ça, c’était beaucoup trop après de 2 ans de trou noir. Du coup, je suis retourné à l’hôpital, mais cette fois, de mon plein gré. Et à la différence de la première fois, j’ai pu être soigné par Frank Bellivier, qui est aujourd’hui délégué ministériel, et qui opère dans un centre expert. Il y en a 52 en France. Et ce qui est chouette, c’est qu’à la différence de ma première hospitalisation, où je ne savais pas qui avait quoi… Vraiment, quand tu découvres ce monde, tu n’oses pas trop parler aux gens. Lors de ma première hospitalisation, j’étais juste bloqué dans ma chambre. Et là, à la différence, je n’étais qu’avec des bipolaires. Du coup, une fois redescendu, il me restait un mois, je me suis dit « Tiens, je vais prendre le temps, pour la première fois, d’accepter la maladie et prendre le temps d’en parler avec d’autres. » Donc finalement, c’étaient mes débuts dans la pair-aidance. Et c’est là qu’en fait, assez vite, je me suis rendu compte que certains avaient des femmes, des enfants, des boulots, des machins et que c’était possible de vivre avec ça, qu’il fallait juste trouver son équilibre. En passant un peu de temps avec eux, je me suis juste questionné sur… C’était mon côté entrepreneur et tout ça qui est revenu. « Qui vous êtes, dehors ? » Là, ils m’ont expliqué les grosses associations pour les proches. Mais par rapport aux concernés, il n’y avait rien. Enfin, il y avait le Club House, orienté réorientation professionnelle, mais pas pour apprendre à trouver cet équilibre qui, pour moi, est nécessaire pour passer à l’étape d’après. Et de là, j’ai eu cette idée, depuis l’hôpital. J’ai créé ma première asso, le 30 mars 2017, en étant hospitalisé, qui s’appelait « Bipolaire, et fiers, et fières », que j’ai fermé depuis. Ce qui est drôle, c’est que l’idée de créer une maison et un festival étaient à la base, c’était un festival un peu comme Solidays, version perchée… Parce que je me disais, c’est incroyable que je n’en aie jamais entendu parler autour de moi, alors que j’ai eu une super éducation, il y a quand même un truc qui bugge, là. Autour de moi, personne ne savait ce que c’était. Je me suis dit « Il faut commencer par ça, pour que les gens comprennent et passent à l’étape d’après, encore une fois ». Et voilà, du coup, j’ai fait ça le 30 mars en me disant « Je me donne un an pour réfléchir ». Une heure après, j’ai cru que c’était une farce, ils m’ont annoncé que je sortais. Et en plus, que c’était la journée mondiale des bipolaires ! J’étais là « Ouh là ! Beaucoup de signes d’un coup… » mais non, c’était juste un hasard. Je suis parti, et cette fois, à la différence de la première hospitalisation, sans faire de dépressions, de « down ». Je suis parti tout schuss en me disant « J’ai cet objectif ». Et de là, l’objectif a évolué, j’ai rencontré mes co-fondatrices, car « Seul on va plus vite, ensemble, on va plus loin », c’est un peu notre truc. Je les ai rencontrées à différentes étapes, les trois : deux d’entre elles travaillaient chez Facebook, l’autre n’avait pas de boulot à ce moment-là. Et chacune a démissionné pour me rejoindre, parce qu’elles avaient aussi un objectif commun. Et voilà. Et vous êtes aujourd’hui dans la Maison Perchée.
#hopitaldufutur : La Maison Perchée, c’est quoi ? Pourquoi ce nom ? Quelles sont vos actions, votre philosophie ?
Maxime Perez-Zitvogel : L’idée de la maison, c’est vraiment que tu y vas quand tu veux, tu prends ce que tu as à prendre, tu donnes ce que t’as à donner, tu repars, tu reviens. C’est ouvert, comme ici. C’est un endroit où tu fais ce que tu veux. Il y a un cadre, mais à toi de choisir ce que tu veux ou pas faire dedans. Il n’y a pas de vraies règles d’obligation, si ce n’est être bienveillant envers les autres et faire ce que tu peux. Si tu ne peux pas, ce n’est pas grave, il y a les aléas de la vie, mais tant que tu es honnête, c’est ok. Et perchée, c’est parce que c’était cool, ça fait marrer les jeunes et que c’est bien. Moi, je disais tout le temps que j’étais perché. Et aussi perchée, parce que les activités ont des noms autour des oiseaux. C’est le cocon, le nid, c’est un endroit suspendu où l’on peut juste être soi-même… Et pas, comme pour beaucoup malheureusement parmi les adhérents, devoir cacher leurs maladies auprès d’un boulot, de leurs proches, de la société en règle générale. C’est un peu l’endroit où tu peux être toi-même : la Maison Perchée. Et ça se retient. Victoria, ma cofondatrice, m’a beaucoup aidé. Pour moi, c’est vraiment de la communication humaine. C’est comment faire, en partant d’une idée, pour monter un projet et embarquer les gens ? Faire qu’ils comprennent pourquoi ils doivent aider ou pas, et que ça se fasse naturellement. Faire que le message soit là et que ça marche. Le lieu, c’est l’étape 2.
La première étape, on l’a faite pendant le confinement. Et c’est hyper important, dans tous les cas, et ça ne s’arrêtera jamais. Parce que souvent, les gens pensent qu’on va arrêter. On a clairement développé notre propre plateforme, qui est une première en France, qui permet à tout un chacun d’avoir accès d’une manière originaire à la pair-aidance en ligne. Soit on veut juste voir des contenus, lire des infos qu’on peut mettre en place pour le grand public. C’est très bien et ça aide beaucoup de gens, surtout les médias. On a fait plus de 25 millions de vues en trois ans. J’ai arrêté de compter parce que c’est trop compliqué à suivre à chaque fois, mais des millions et des millions et des millions de vues, à tel point que moi, par exemple, on m’arrête souvent dans la rue pour me dire « Tu n’es pas Maxime ? » Ça, c’est un truc que je n’avais pas prévu, par exemple. Ça touche les gens. Depuis qu’on a fait la V2 qui est sortie en octobre, qui nous a coûté quand même une fortune et un an de développement avec des développeurs, quand on est adhérent, sur le site, il y a une espace de connexion qui donne accès à tout un panel de choses. On a un tchat qui ouvre tous les jours en ligne, plein d’activités, des groupes de parole, les demandes de nids, l’agenda de ce qui se passe. On peut envoyer des piailleries. Une demande de nid, c’est un échange avec une personne avec un vécu similaire. C’est la porte d’entrée, généralement, de la Maison Perchée. « Je ne suis pas psy, je ne suis pas ton pote, je ne suis pas ta famille, mais je te comprends, ou je vais au moins essayer de le faire » … À chaque fois, la personne va remplir un petit descriptif. Par exemple « Je viens d’être diagnostiqué, j’ai dû arrêter mes études, comment faire ? » Ça, je peux le faire moi, parce que c’est ce que j’ai vécu, et je peux dire « T’inquiète pas, moi, j’ai fait ça, ça, ça. Tu peux essayer de faire ça, ça. Viens boire un café. »
La plateforme, c’est vraiment hyper important pour nous, et moi le premier depuis le début, parce qu’encore une fois, j’ai eu beaucoup de chance, parce que j’ai une famille qui m’a permis de et aussi parce que j’habite à Paris. Mais quand j’échange avec des gens de la Réunion, des îles, des déserts médicaux, il y a six mois d’attente pour voir un psy, il n’y a rien. Ils sont bien contents de venir à la Maison Perchée. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si on a trois mois d’attente pour être adhérent, parce qu’on a une explosion des demandes. C’est un peu compliqué à gérer. Même si on est à Paris, qu’on n’a pas le temps de venir à la Maison, parce que parfois, il n’y a que le samedi, les gens sont bien contents, la journée, entre midi et deux, de pouvoir discuter.Malheureusement, ce n’est qu’à Paris pour l’instant, le local, mais dans tous les cas, il y a tout le temps la plateforme, où on peut avoir tout un panel d’activités proposées. L’idée, avec le local, c’est la transition, c’est vraiment de créer quelque chose d’hybride. On manque encore un peu de sous, parce qu’on est en train de finir le local, mais l’idée est de pouvoir capter tout ce qui se passe dans le lieu, pour l’enregistrer et le mettre sur la plateforme. A la fois pour éviter les doublons, mais aussi pour juste que les gens puissent participer, notamment les samedis, quand on fait des rencontres, ce qu’on fait beaucoup. Donc la Maison Perchée, c’est quoi ? Il y a trois objectifs. Le premier, c’est venir en soutien aux jeunes concernés, entre 18 et 40 ans, atteints de bipolarité, schizophrénie ou trouble borderline et leurs proches. Quand je dis « proches », c’est parents de, enfants de, frères et sœurs de, conjoints de ou cousins de. Ce sont la canopée et la boussole. Dans la canopée, on a plus de 350 personnes, et dans la boussole, pour les proches, on vient de passer les 500.Le deuxième objectif, c’est de sensibiliser le grand public. Ça, on va dans les médias beaucoup et ça fonctionne très bien. Dans les écoles et dans les entreprises, ça, c’est contre rémunération. On fait des formats témoignages, on fait plein de choses. Ce qui est chouette, c’est aussi qu’on forme des adhérents à prendre la parole, pour leur parler de leur vécu. Ça, ça se passe super bien. Dans les prisons, depuis peu, ça, c’est moi qui l’ai fait il y a trois semaines, je vais faire un cycle dans une prison dans le 93 pour former les jeunes qui feront le choix d’une remise de peine, ils ont une peine plus courte en faisant des ateliers du genre. C’est aussi faire des expos des piailleries, les Events grand public, donc les Events le samedi. Et là, je vais organiser pour la deuxième fois un festival de films à la rentrée dans un cinéma à Paris. Il y a aussi un concert en fin d’année. Et ensuite, le troisième objectif, c’est contribuer à faire évoluer les méthodes en psychiatrie. Pour ça, on va dans des congrès, de plus en plus, ce qui est chouette. Maintenant, on est invités partout, à l’Encéphale, au Congrès Français de Psychiatrie. De me retrouver typiquement en décembre devant une immense salle, avec tous mes anciens psy, qui viennent m’écouter, c’était quand même marrant ! Là, c’est costaud quand même ! Et à chaque fois, ma psy, elle n’en vient pas, mais c’est marrant. C’est la vie. Comme quoi, il faut y croire. On va dans les congrès. Et aussi, notamment, on fait des brochures qui sont faites à six mains, aidant/aidé de l’hôpital de Sainte-Anne et la Maison Perchée. Elles sont en libre-service à l’accueil de la cafète’ et sur le site, téléchargeables en PDF gratuitement. On a des demandes dans toute la France, dans tous les hôpitaux, c’est un truc de dingue ! Et là, on va en faire des nouvelles à la rentrée, ça marche super bien. C’est juste mettre un peu plus d’humanité dans les brochures qui sont disponibles à l’hôpital. C’est quand même pas mal.
Et après, ponctuellement, parce qu’on n’avait pas trop le temps, il fallait vraiment d’abord développer l’équipe, ce qu’on vient de faire, j’ai fait plusieurs fois des formations. Je forme les infirmiers, les aides-soignants de l’AP-HP au sein de leur centre de formation, sur comment gérer la pair-aidance, ce genre de choses. Enfin, tous les mardis matin, j’ai une visite institutionnelle. J’ai eu C’JAAD, j’ai eu Sainte Anne, j’ai eu le Vinatier, tout le monde vient, pour mieux en parler à leurs patients. Mais maintenant, ils nous envoient tous leurs patients, d’un coup… C’est pour ça qu’on a trois mois d’attente. Pour la toute première vidéo qu’on avait faite de crowdfunding il y a deux ans, on avait fait venir une amie infirmière. Les infirmiers, quand tu sors, te disent « On espère ne pas te revoir trop vite » et te lancent juste une liste de médocs, des rendez-vous de psy, et toi, tu es là, « C’est tout, tu n’as rien d’autre à me dire ? » Si à ce moment-là, on m’avait dit « Vas à la Maison Perchée » Moi, j’aurais certainement gagné deux ans. Après, je n’en sais rien, avec les si, on refait le monde, mais je pense que ça m’aurait aidé quand même… Je vois l’impact sur des gens qui sortent d’hospit’ : il y en a, du coup, qui viennent dès le lendemain ! Tout de suite, la pente, elle est plus douce. Ça prendra du temps, c’est sûr … Maintenant, la question, c’est « comment ça va évoluer ? » Le samedi, déjà, on est complet. J’ai des demandes quasiment tous les 15 jours, de personnes qui veulent en ouvrir dans d’autres villes. J’ai souvent ce débat avec ma psy, et finalement, on ne saura jamais, « Quelle est la part d’importance du médicament versus tout le reste ? » Avoir des amitiés… Parce que ça permet de rompre l’isolement, la Maison Perchée, c’est incroyable, les gens revivent. Avoir des amitiés, une histoire d’amour, un boulot, des ambitions, des projets, c’est quoi la part ? Pour elle, c’est 50/50. Et moi, je pense que c’était plutôt 30/70. Ça dépend. Souvent on me demande si je vais arrêter mes médicaments et je dis non. J’en prends quand même cinq par jour, et ça m’a bien abîmé la vue et maintenant, les reins. Et ça fait chier ! Je ne peux pas partir à l’étranger, parce que je ne peux pas avoir plus d’un mois de médicaments à la suite, il n’y a pas d’équivalence à l’étranger. J’ai eu des tremblements, j’ai pris 30 kilos, que j’ai perdus. Il y a ça en plus à gérer. Pour cela aussi, on s’entraide beaucoup, pour les effets secondaires. Parce que comme je fais des vidéos, on me demande « C’est quoi ton traitement ? ». Certains pensent que j’ai trouvé le truc miracle. Je leur dis juste « Non, les gars, moi je connais plusieurs personnes qui prennent le même, exactement, et qui sont trop mal. » C’est un ensemble de choses, l’alimentation, le rythme…
#hopitaldufutur : Qu’est-ce que la Pair-Aidance ? Comment mettez-vous en pratique votre savoir expérientiel pour accompagner les concernés, les proches ? Comment comble-t-elle un vide du parcours de soin ?
On est 12 dans l’équipe, il y a une vingtaine de bénévoles et 40 pair-aidants. Parce que le cœur du rédacteur, ce sont les pair-aidants. Ce sont des adhérents qu’on forme, et qui deviennent eux-mêmes animateurs des ateliers. Pas de tous les ateliers, mais des groupes de parole, des nids, du tchat. Il y a quatre genres, écoute en nids, groupe de parole, modérateur du tchat, entretiens. Parce que pour devenir adhérent, il y a un formulaire à remplir en ligne, mais après, il y a un entretien de 30 minutes pour vérifier que la personne n’est pas en crise, qu’il n’y a pas les parents derrière, ça arrive souvent, pour aussi mieux expliquer la Maison Perchée, la dynamique, pour remplir la charte avec la personne. Comme on est non-médicalisé, forcément, il faut mettre un peu de cadre dans tout ça. On a aussi l’aide d’un conseil consultatif, mais pour l’instant, qu’on ne consulte pas trop, on n’a pas eu trop le temps. Mais si besoin, moi, typiquement, j’appelle monsieur Bellivier ou des gens comme ça, quand j’ai des problématiques ou des idées, ou des choses à gérer.
En France, il y a aussi des Médiateurs de Santé Pair, c’est ceux qui font la formation. Ça existe que depuis trois ans en France et depuis 30 ans au Canada, ça veut tout dire. C’est juste que les MSP, ils ne sont pas assez nombreux et on les envoie dans les hôpitaux. Moi, je peux en témoigner parce que ma cofondatrice, Lucille, est MSP. Mais franchement, ça dépend. C’est un peu la loterie. Soit les équipes font OK avec ça, soit moins… MSP, c’est Médiateur de Santé Pair, c’est pair-aidant professionnel. C’est une formation de deux ans, on bosse dans l’hôpital. Typiquement, moi, j’aurais bien voulu, quand je suis sorti des 12 jours, qu’il y ait un MSP qui vienne me voir, « T’inquiète, moi aussi j’ai eu ça… ou alors je connais un mec, il a eu ça, mais tout va bien se passer. Là, tu vas devoir faire ci, tu vas devoir faire ça ». Parce que les infirmiers, ils sont dépassés, et parce que c’est toujours plus rassurant.
Moi, je vois tellement l’impact que ça a sur des gens ici. C’est juste de se sentir compris. Et après, parce qu’encore une fois, tout le monde n’a pas la chance d’avoir une famille, des potes, un boulot compréhensif. Malheureusement, c’est compliqué. Moi, dès le début, je me suis rendu compte quand j’ai fait ma première vidéo, il y a maintenant cinq ans, j’ai reçu des milliers de messages, enfin, pas des milliers, 1 200 et je ne sais plus combien de messages, de toute la France, me disant « Il faut de la pair-aidance. » Non, ça n’existait pas en France. Même dans les congrès, on est les premiers à parler de pair-aidance. Donc pour les psy, ça n’existait pas avant. Maintenant, ça y est. Ça a pris un peu de temps. Je pense juste que plus il y a de pair-aidance, plus il y a de gens formés, aussi bien même dans les proches. Moi, je vois la branche de la boussole, ça fonctionne, ça cartonne. On n’en parle jamais, on parle toujours des concernés, déjà, c’est la cata, mais les proches, c’est encore pire. Eux, pour le coup, ils ne sont vraiment aidés par personne.
#hopitaldufutur : Pour conclure, vos projets, vos ambitions, vos perspectives ?
Je préfère ne pas parler tout seul, mais tout ce qui est sûr, c’est qu’on veut booster la plateforme dans tous les cas, parce qu’on peut faire beaucoup plus et pour beaucoup plus de nombre. Le lieu, c’est très bien, on pourra en faire d’autres. Mais comme le cœur du réacteur, ce sont les pair-aidants, si on veut vraiment aider du monde « rapidement », c’est plus via la plateforme, où on pourrait même avoir des budgets. Elle a été citée au niveau européen, quand même, par Monsieur Bellivier, parce que c’est vraiment un plus, donc c’est chouette ! Et la plateforme, possiblement, on l’aura vraiment bien testée et rendu le truc hybride. Jusqu’à fin décembre, on essaie de rendre le truc hybride, pour justement ne pas faire des activités en doublon, ce que je trouve vraiment dommage. Ce n’est pas Maison Perchée, ce n’est pas logique, car généralement, on est plutôt efficace. Et après, à terme, on verra, pour une deuxième maison. Il faut trouver les adhérents sur place, les pair-aidants, les former. Ce n’est pas aussi simple que ça.
Et moi, j’ai toujours voulu faire ça aussi, mais on verra plus tard. C’est un truc qui m’avait marqué quand j’étais à l’hôpital, à ma deuxième hospitalisation. Il y avait donc des experts pour les bipolaires, mais aussi pour tout ce qui était drogue. Je parlais avec mes potes drogués d’en face, très sympas, dont un avec qui j’avais vraiment sympathisé. Il y avait plus de places, donc ils l’avaient mis dans ma chambre. Et lui, il partait trois semaines faire du yoga, art, mieux manger, tout ça, dans la montagne. J’étais là, « Mais c’est génial ! » Mon idée, donc à terme, c’est de faire une espèce de colo, deux semaines dans la montagne, hors du système en ligne, ou à la maison, et payée par la sécu ! Parce que les gens n’ont pas d’argent, je le vois chez les adhérents, il ne faut pas l’oublier, et il y en a beaucoup qui n’ont pas d’aides. Franchement, volontiers, à ceux-là, je leur offre des cafés, mais à part cela je ne peux pas…On fait ce qu’on peut. Pour beaucoup, ils n’ont pas de vacances, tout simplement. Là, j’aimerais bien faire un truc comme ça, des vacances perchées, version colo bien-être, et t’en reviens mieux. Ça, j’aimerais bien, mais plus tard. Enfin moi, perso, j’aimerais bien faire un incubateur pour les gens avec des troubles psy, plus tard.
On est aussi présents pour sensibiliser le grand public, au niveau politique. On est au PTSM, la Politique Territoriale de Santé Mentale. Moi, je suis élu au CPA, le Conseil Parisien des Associations, je suis élu pour deux ans, en charge de la jeunesse et du handicap pour les 80.000 assos de la ville de Paris. Je dis toujours, c’est son mot de la fin : « Dans la vie, tout n’est pas une question de temps, mais de priorités ». C’est ma maxime. À vous de voir vos priorités, mais partagez la Maison Perchée, et faites des dons, surtout ! Je pensais que quand ils allaient voir le lieu, ils allaient dire, « ça y est, c’est concret, on va faire plus de dons ». En fait, c’est tout l’inverse. J’ai moins 450% de dons et je ne les avais pas prévus. Ils doivent se dire que c’est trop propre, qu’on n’a besoin de rien, mais il y a un loyer. J’avoue que ça me m’énerve un peu. Ces dons en moins, c’est moins d’ateliers, moins d’activités, on n’a pas l’écran pour projeter… En fait, il manque un écran là pour projeter justement, si on fait une activité hybride. Le mot de la fin : si vous voulez faire un beau don, grâce aux déductions fiscales, si vous faites un don de 6 000 €, ça revient à 2 000 €. Et pour 2 000 €, vous payez un mois de loyer. C’est quand même chouette, et ce n’est pas non plus démesuré, non ?