#hôpitaldufutur : Maxime Jourdain, Delphine Joseph, vous appartenez tous les deux à la nouvelle Université Paris-Saclay. Pouvez-vous vous présenter ?
Maxime Jourdain : Bonjour, je suis Maxime Jourdain de la direction du patrimoine immobilier de l’Université-Paris-Saclay. La direction du patrimoine assure l’entretien des équipements collectifs, des différentes composantes, et assure également l’entretien des espaces verts, la sûreté des campus. Elle soutient aussi les composantes dans la réalisation des actions de maintenance. Au sein de cette direction du patrimoine, on est un certain nombre de responsables d’opération pour conduire des opérations immobilières de toute taille, de petites rénovations jusqu’à la réalisation de très grands complexes neufs. Donc mon rôle était de conduire l’opération Bio – Pharma – Chimie en partenariat public/privé. C’est une opération d’envergure qui représente la construction de 2 sites au sein d’un même contrat de partenariat, qui réunit 3 grands cabinets d’architectes, dont Groupe-6, pour des surfaces de l’ordre de 100.000 m² de surfaces de plancher.
Delphine Joseph : Je suis enseignante-chercheuse à la faculté de pharmacie, et j’ai suivi depuis le début, donc 2011, les prémices du projet. Tout d’abord, pour représenter les équipes de recherche en chimie, ensuite je me suis plus précisément occupé d’un laboratoire puisque je suis directrice adjointe d’un des gros laboratoires du projet, le laboratoire BioCis 6, et maintenant directrice d’une Graduate School. On a pas mal de laboratoires sur le site Henri Moissan, Biologie – Pharmacie – Chimie, qui adhèrent à cette Graduate School et en sont des contributeurs scientifiques. Je connais un peu le bâtiment car j’en suis une utilisatrice, à la fois pour la recherche et pour l’enseignement, donc je vois un peu tous les aspects de ce joli bâtiment.
#hôpitaldufutur : Maxime Jourdain, vous avez dirigé la réalisation du grand projet Biologie-Pharmacie-Chimie, dont l’une des ambitions étaient le rapprochement entre les disciplines. Pouvez-vous revenir sur la genèse de cette opération ?
Maxime Jourdain : Je suis arrivé en 2016, au milieu du dialogue compétitif. Ce que l’on peut dire, c’est que le projet de Saclay est de réunir, l’enseignement et la recherche pour ce qui est des universités, mais aussi des entreprises qui sont aussi dans des secteurs proches, au sein du plateau de Saclay. Concernant l’Université, il s’agissait donc de déplacer des chercheurs et des directions d’enseignement situés dans la vallée depuis le début des facultés de sciences, dans les années 60, et de les transférer sur le plateau. D’en profiter également pour déplacer, pour ce qui concerne le site Moissan, la faculté de pharmacie dont les locaux commençaient à devenir assez vétustes. C’est ce qui fait que le programme est compliqué : un seul et même programme doit répondre à la fois des contraintes d’enseignement, à des disciplines de recherche variées allant de la biologie à la chimie, avec parfois des mélanges, parce qu’en pharmacie on fait aussi de la chimie ou de la biologie. Personnellement, quand je suis arrivé sur le projet, j’avais beaucoup de mal à m’y retrouver, parce qu’on peut retrouver différentes manipulations faites dans les trois composantes de ce projet.
Un seul et même programme doit répondre à la fois des contraintes d'enseignement, à des disciplines de recherche variées allant de la biologie à la chimie, avec parfois des mélanges, parce qu'en pharmacie on fait aussi de la chimie ou de la biologie.
#hôpitaldufutur : Delphine Joseph, vous avez donc intégré il y a quelques mois ce nouveau bâtiment avec votre équipe : quelles sont les évolutions, les nouveaux usages ?
Delphine Joseph : Je vais d’abord compléter sur la genèse, mais aussi sur ce que tu dis de la recherche. En plus de la biologie, de la chimie, la pharmacie est vraiment très pluridisciplinaire, il y a même de la physique et de la physico-chimie. Donc, sur les parties enseignement, il y a des mises en forme galéniques, des appareillages véritablement très diversifiés, avec des volumes différents, on peut travailler sur de toutes petites quantités comme de grosses échelles de quelques kilogrammes. C’est vrai que le projet est très complexe, avec cette grande diversité de disciplines, et une haute technicité associée au bâtiment. On vient d’un bâtiment qui était la faculté de pharmacie de Châtenay-Malabry, une faculté qui était faite avec des tours, qui nous séparait. Du coup, il y avait une vie qui s’instaurait dans les étages, et finalement, déconnectait la notion d’unité. Donc effectivement, à la genèse du projet, c’est ce qu’on a voulu bannir. On voulait aller vers un projet où justement les gens se retrouveraient, où il pourrait y avoir des espaces où les gens puissent se côtoyer, puissent échanger. La science, c’est ça, ce sont des moments d’échanges, des moments de dialogue. Et donc il fallait mettre, en tout cas, c’était notre souhait, des espaces où il pouvait y avoir ce genre de dialogue, ce genre d’espaces pour communiquer. Ça, c’est ce qui change beaucoup à notre arrivée sur BPC / Henri Moissan. Dire ce que ça a changé, on ne le sait pas encore parce que ce sont de nouveaux apprentissages pour nous, car cette fois ci, on se retrouve tous réunis au sein d’énormes laboratoires ou d’énormes espaces. Il y a de grands espaces de rencontres qu’on va apprendre à utiliser, c’est vraiment un nouvel apprentissage. On était habitués à vivre dans quelques centaines de mètres carrés ; là, maintenant, c’est bien plus large, donc effectivement, il faut qu’on réapprenne à utiliser ces espaces. Ça va se faire, je n’ai aucune inquiétude. Donc l’origine, c’est ça : partir de zones étriquées où finalement on se côtoie quotidiennement dans un petit espace, dans de petits groupes, et se retrouver là tous ensemble, partager des espaces, avec les avantages et les inconvénients que cela peut apporter. Les avantages, c’est que cela provoque le dialogue et permet de rencontrer des gens qu’on ne voyait pas souvent. Les inconvénients, c’est que cela fait plus de bruit et qu’il faut tolérer le bruit des autres.
On voulait aller vers un projet où justement les gens se retrouveraient, où il pourrait y avoir des espaces où les gens puissent se côtoyer, puissent échanger. La science, c'est ça, ce sont des moments d'échanges, des moments de dialogue.
#hôpitaldufutur : Pensez-vous que les espaces vont contribuer aux échanges entre disciplines ?
Delphine Joseph : Oui, je pense que l’espace va vraiment y contribuer, parce que c’est un espace qui a beaucoup de zones de communication, d’affichage par écrans ou par d’autres systèmes de communication, de grands halls et de grands espaces communs. Nous, ce qu’on voudrait, c’est effectivement faire de ce bâtiment un endroit où on puisse communiquer, mais dans tous les sens du terme, c’est à dire que ce soit bidirectionnel. C’est à dire que les chercheurs du bâtiment puissent communiquer vers les autres chercheurs sur ce qu’ils font dans leurs laboratoires, sur les événements qu’ils veulent faire sur le site ; et puis, dans l’autre sens, quand on crée des événements, être informé aussi de ces événements pour y participer. Et effectivement, je pense que la façon dont est organisé le bâtiment, avec cet énorme cœur de pôle, avec toutes ces voies de communication et ces modes différents, va permettre de mieux se connaître, de mieux savoir ce qui se fait dans les laboratoires, de mieux échanger, de favoriser les collaborations. C’est vraiment un espace qui est propice à ça. On a déjà commencé ! L’université étant en pleine transformation, afin de mieux répondre aux standards internationaux, on a donc la création des Graduate School. Sur le site et à proximité de BPC, il y a trois Graduate School, la Graduate School de Chimie, la Graduate School « Heatlth and Drug Sciences », et « Life, Sciences and Health ». Et l’idée est effectivement d’essayer de faire, notamment pour la santé, de ce bâtiment une véritable vitrine. On a déjà commencé à faire quelques événements dans ce magnifique amphithéâtre Olivier Kahn, et il va y avoir le 9 décembre prochain un très gros évènement sur le site, le premier salon de l’emploi de l’industrie pharmaceutique. Quand on arrive de la Nationale 118, on ne voit que ce magnifique bâtiment, pour l’instant n’y a rien devant, car il n’y a pas encore le métro. Il est beau, il est magnifique, il y a plein d’espaces, il a des moyens de communiquer. C’est vraiment une volonté que ce bâtiment devienne quelque chose, c’est vraiment notre ambition et on y travaille. On a commencé un premier groupe de réflexion là-dessus parce que tout ça, ça se travaille. Il faut savoir communiquer correctement, et que ce soit une communication utile pour les usagers du bâtiment.
Maxime Jourdain : Quand on se promène dans ce bâtiment, notamment dans la partie recherche, on va trouver cette grande « rue de la recherche » où il y a de grands espaces de convivialité. C’est le geste architectural et c’est aussi ce qui fait que les gens vont se retrouver. Mais plus que ça, c’est aussi un point déterminant qui a été avancé lors du financement du projet, c’est la mutualisation de certaines fonctions importantes, notamment tout ce qui est logistique. La logistique qui est centralisée et qui sert pour toutes les composantes du site, qui autrefois étaient séparées chacun chez soi. C’est mis en place depuis la rentrée, et cela ne se met pas en place comme ça, en un claquement de doigt ! Ça prend du temps, il y a des recrutements, il faut mettre en place des nouvelles organisations. Ce n’est pas toujours facile, mais c’est ça qui fait aussi que les gens vont aussi plus communiquer entre eux, il n’y a pas que cette histoire de convivialité, il y a aussi des pratiques de tous les jours qui sont mises en commun. Et finalement, même si c’est peut-être vécu difficilement dans la transition, c’est aussi ce qui va contribuer à souder les choses.
Delphine Joseph : Moi aussi je pense que ce n’est pas difficile la transition, que c’est un nouvel apprentissage et qu’il faut donc attendre. Pour l’instant les gens sont dans l’installation, ça va se faire tout doucement, mais ça va se faire.
La façon dont est organisé le bâtiment, avec cet énorme cœur de pôle, avec toutes ces voies de communication et ces modes différents, va permettre de mieux se connaître, de mieux savoir ce qui se fait dans les laboratoires, de mieux échanger, de favoriser les collaborations. C'est vraiment un espace propice à ça.
#hôpitaldufutur : Comment avez-vous pu accompagner la mise au point des espaces de laboratoires ou la négociation sur les espaces tertiaires ?
Maxime Jourdain : Cette question tertiaire est vraie sur toutes les opérations universitaires, et je pense que ce n’est pas lié uniquement à notre métier. C’est toujours le métier de la maîtrise d’ouvrage, que ce soit au sein d’une grande entreprise ou d’un établissement public. A un moment, il faut rentrer dans le budget, et le budget d’investissement est aussi un budget d’exploitation, et les surfaces de bureaux, en termes de programmation, c’est toujours la guéguerre. Et s’agissant en plus d’une opération très vaste, sur deux sites et plus de 100 000 m² de surface, il a bien fallu mettre en place des règles communes pour que cela se construise. Et cette règle commune, on a dû l’appliquer à chacun de manière stricte. Et c’est vrai que cette règle stricte est peut-être douloureuse pour certaines organisations, dans certains labos. Le principe est le bureau cloisonné à une, deux, trois personnes, et des bureaux un petit peu plus grands, cloisonnés mais ouverts sur les circulations, pour les doctorants. Ils ressemblent à de petits open-space. Ce programme n’est pas d’une modernité absolue en 2022, mais il a été initié dans les années 2013-2014, avec des besoins pour les chercheurs d’espaces clos pour travailler, pour réfléchir, ce qui peut expliquer qu’on ne met pas systématiquement d’open-space. Un chercheur ou un professeur a besoin d’être isolé pour travailler, quand il n’est pas en cours devant des élèves ou dans son laboratoire.
Delphine Joseph : Ce que je peux dire sur BPC, c’est que les bureaux sont vraiment ultra silencieux. Ça c’est quand on ferme la porte, on ferme, on est vraiment dans une bulle, c’est vraiment appréciable. Ce qui est moins appréciable, c’est que c’est peu évolutif. Nous, on est déjà très à l’étroit par exemple. Enfin, on a un vrai problème de place pour accueillir de nouvelles personnes, on n’a plus de places. La surface occupée par deux enseignants-chercheurs qui sont susceptibles de rencontrer des étudiants, c’est 11 m², c’est un peu petit.
Il y a des zones liées à des activités, des plateformes organisées en instituts. Ces laboratoires ont choisi comme nous de se regrouper, de partager de grands espaces. Le fait d'avoir rapproché les activités, de les séparer juste par un couloir avec des portes qui finalement restent ouvertes, cela permet aux gens de communiquer.
#hôpitaldufutur : Est-ce que la conception de BPC favorise la mutualisation des équipements ?
Delphine Joseph : C’est vrai que sur certaines activités, il y a des mises en commun et des espaces qui sont mutualisés. Mais nous, pour notre laboratoire par exemple, c’était un vrai souhait de faire quelque chose de modulable, et je pense qu’on doit être un des seuls labo, Maxime le dira, où les activités puissent évoluer à l’intérieur du labo. On y a fait des labos assez similaires avec des grands intitulés de laboratoires, dans lesquels on peut faire évoluer soit les techniques, soit le matériel. Ça, c’est un choix de l’unité. Ce sont des espaces qui sont très partagés et où tout communique, entre les équipes, les labos et les labos expérimentaux. Ça, c’était un choix, de répondre et d’adhérer à ce programme qui est « rencontrons-nous, mélangeons-nous ». Après, sur les plateformes, il y a effectivement des zones liées à des activités, des plateformes déjà organisées en espèce d’instituts. Ces laboratoires ont choisi comme nous de se regrouper, de partager de grands espaces. Et puis il y a des endroits où, du fait des contraintes techniques, on a choisi de cloisonner sans être cloisonné : ils sont séparés par un couloir, mais c’est aussi pour des questions du financement de la recherche, parce que ce sont des composantes différentes, avec des laboratoires différents où chacun reçoit ses financements. Cela crée des contraintes. Mais déjà le fait d’avoir juste un couloir de séparation fait que on a beaucoup travaillé ensemble sur les équipements, sur l’acquisition et même de ce que l’on souhaite faire évoluer sur le bâtiment. Vous savez, c’est pour ces grands équipements qui utilisent des fluides cryogéniques qu’il y a un vrai problème d’approvisionnement actuellement, il faut qu’on puisse essayer de récupérer ces fluides cryogéniques. Et là on travaille tous ensemble. Grâce au fait que tout le monde est très proche, c’est assez facile à mettre en œuvre. Donc c’est vrai que le fait d’avoir rapproché les activités, de les séparer juste par un couloir avec des portes qui finalement restent ouvertes, cela permet aux gens de communiquer, ça permet ces échanges et ces évolutions, et aussi de répondre à des normes plus écologiques.
Maxime Jourdain : C’est vrai que la modularité, ce n’est pas si simple à faire ! Dire « on va faire un bâtiment modulable dans lequel on peut facilement évoluer », c’est facile à dire, mais vraiment difficile à mettre en œuvre, parce qu’à un moment, il faut bien que cela réponde à un besoin. Le besoin, il est à la livraison du bâtiment, en 2022, quand les chercheurs arrivent pour travailler. C’est bien d’avoir ces CDC, c’est super évolutif, on fait ce qu’on veut dedans. Mais à l’instant T, il faut que cela fonctionne par rapport aux besoins. Du coup, à un moment, il faut quand même faire quelque chose de sur-mesure pour chaque utilisateur, et finalement c’est ce qu’on a fait. Ce qui n’empêche pas, dans dix ans, s’il faut abattre 3 ou 4 cloisons pour aménager une nouvelle manipulation, c’est quand même possible. Bien sûr, ce sont parfois des travaux lourds, mais je pense que c’est comme ça que fonctionne la recherche. La recherche est évolutive, et quand elle décroche un projet, le budget est décroché avec, et on en profite pour installer la manip et faire les modifications dans le bâtiment.
La modularité, ce n’est pas si simple à faire ! Dire « on va faire un bâtiment modulable dans lequel on peut facilement évoluer », c'est facile à dire, mais vraiment difficile à mettre en œuvre, parce qu'à un moment, il faut bien que cela réponde à un besoin. Ce qui n’empêche pas, dans dix ans, s'il faut abattre 3 ou 4 cloisons pour aménager une nouvelle manipulation.
#hôpitaldufutur : Le rapprochement des espaces de recherche et d’enseignement a-t-il aussi des vertus ?
Delphine Joseph : A la faculté de Chatenay-Malabry, c’était déjà ça : on avait une partie enseignement et une partie recherche. Ce qui est plaisant ici, c’est d’avoir mélangé des étudiants d’origines différentes, des pharmaciens, des chimistes, des biologistes, et c’est surtout d’avoir rassemblé ces étudiants de niveau master, qui ont une appétence pour la recherche. C’est important, cette porosité ! On trouve ça très bien, que les étudiants puissent aller jusque dans la rue de la recherche, ne serait-ce que pour utiliser les espaces communs. Ça nous permet de les rencontrer, ça nous permet de discuter avec eux. On a été assez étonnés quand tout était grand ouvert d’ailleurs, de les voir se promener dans nos laboratoires, parce qu’ils étaient aussi intrigués de voir comment étaient les laboratoires, c’était assez rigolo. On les mettait tous dehors, mais c’était très intéressant de les voir ! Et eux étaient très intrigués par tout ça, ils en ont profité pour se promener et visiter. Je pense que ce qui est intéressant dans le bâtiment, c’est d’avoir ces espèces de petits blocs d’enseignements et ce grand hall, et du fait qu’on traverse tout bâtiment, on fait des rencontres, nos étudiants et nos collègues. J’aime beaucoup rencontrer mes étudiants qui travaillent tard le soir dans les petits espaces dédiés. Je vais un peu les embêter, pour voir s’ils travaillent ma matière surtout. Ils en profitent pour poser des questions, c’est assez sympathique d’avoir des espaces où ils travaillent et où ils peuvent communiquer avec nous. Ce qu’ils n’avaient pas du tout à Châtenay ! Ils allaient en bibliothèque, où la bibliothèque était totalement décloisonnée des espaces de circulation, ou ils étaient dans un espace de circulation, il n’y avait pas d’endroits pour travailler. Ici, c’est sympathique de passer de la recherche jusqu’au dernier plot qui est à l’autre bout, et de pouvoir croiser des étudiants, discuter avec eux, et pouvoir croiser aussi nos collègues. C’est assez rigolo.
Ce qui est plaisant ici, c'est d'avoir mélangé des étudiants d'origines différentes, des pharmaciens, des chimistes, des biologistes, et surtout d'avoir rassemblé ces étudiants de niveau master, qui ont une appétence pour la recherche. Ici, c'est sympathique de passer de la recherche jusqu'au dernier plot qui est à l'autre bout, et de pouvoir croiser des étudiants, discuter avec eux, et pouvoir croiser aussi nos collègues.
#hôpitaldufutur : Pour conclure, quelles recommandations auriez-vous sur la conduite du processus de projet ?
Maxime Jourdain : En tant que maître d’ouvrage, vis à vis du constructeur et pour faire en sorte que les choses aboutissent dans de bonnes conditions, il est nécessaire de fixer des règles et de les appliquer strictement. Mais bien sûr, d’associer les avis des futurs utilisateurs qui sont l’essence même de l’expression du besoin : c’est pour eux qu’on fait le projet ! Donc les associer à vraiment très bon escient, les informer du mieux qu’on peut. Mais surtout, de bien réglementer l’évolution du projet, et à un moment, de l’arrêter : c’est le moment où l’on exécute. C’est à dire qu’il y a une participation importante dans toute la phase programmation, dans la phase conception, pour aller jusqu’au maquettage du local, mais il faut surtout s’arrêter au moment où on exécute. Ne pas ne pas amener de modifications en exécution pour ne pas compromettre la qualité, le coût et les délais sur le projet. C’est ce qu’on a essayé de faire. On a eu un petit peu de retard à la fin, ce qui fait qu’on a fait le maquettage des locaux alors qu’on était déjà en train de construire, et ça a un petit peu pénalisé l’avancement du projet et parfois amené de petits quiproquos. Normalement, dans le tempo, on aurait dû avoir cette phase de maquettage un petit peu plus tôt. En période Covid, on l’a faite avec les masques et à moitié en vidéo, ce n’était pas simple. On a décidé d’avoir un tempo bien précis avec les utilisateurs, en essayant d’oublier personne, parce que c’est facile de rater une petite zone de labo parce qu’à un moment donné, il n’y avait plus de représentants d’utilisateurs. Il ne faut vraiment laisser personne sur le bord de la route.
Delphine Joseph : J’étais justement du côté des usagers, de ceux qui ont été associés, et cela a été un vrai plus d’être associés ! C’est aussi un nouvel exercice, et on a rattrapé des collègues qui étaient énormément en stress parce qu’ils ont l’impression d’être responsables de tout ce qui va dysfonctionner dans le bâtiment. C’est vraiment dur parce qu’on nous demande d’intervenir ou de répondre à des questions vraiment très techniques. Et bien évidemment, on est des chercheurs : on utilise les appareils mais on ne connaît pas toutes leurs spécificités. Quelquefois, quand on a des fabricants qui répondent, tout va bien. Mais quand on n’a pas les fabricants qui répondent, il faut quand même trouver les valeurs, la tolérance à la vibration, la tolérance aux champs magnétiques, et cetera. Et parfois, ça peut être un peu compliqué ! Mais être associé, c’est vraiment un plus. Et je confirme ce que dit Maxime : la difficulté qu’on a eue, c’est que les étages étaient déjà sortis et qu’effectivement, la recherche évolue en permanence. Et donc entre les fiches équipements ou les fiches espace qui avaient été faites en 2011, vous imaginez bien qu’en 2020, ce n’était plus du tout la même chose ! Il y avait des acquisitions, de nouveaux appareillages, de nouvelles normes et là, ça a été un petit peu difficile. On a eu des discussions parfois un peu tendues avec les constructeurs, parce qu’on recevait un « non » catégorique quand on demandait une modification de programme. Ce qui voulait dire, pour nous, ne pas pouvoir démarrer une activité parce qu’on ne pouvait pas positionner le nouvel appareil qui devait arriver. Or, le temps de la recherche, ce n’est pas le temps des constructeurs. Le temps de la recherche, c’est très court, ce sont des programmes financés sur de courtes durées, et il faut pouvoir rendre compte de ses financements. Donc on doit avoir les données scientifiques, des résultats à pouvoir donner. Et se retrouver un petit peu coincé parce qu’on ne peut pas mettre un nouvel appareillage qu’on a acquis grâce justement aux financements obtenus, ça devient un peu compliqué. Maxime l’a dit, c’est lié au Covid, et à une mauvaise synchronisation des choses peut-être. Mais être associé, c’est vraiment super ! Il n’y a que les personnes qui étaient associées qui savaient que le programme allait se faire. On avait encore des gens à la faculté qui n’étaient pas associés au programme, qui se disaient « mais ce déménagement, c’est l’arlésienne ». On leur disait « non, le déménagement, c’est dans six mois », et les gens n’y croyaient pas. « Si, si, c’est prêt, allez visiter le plateau. Le bâtiment est quasiment fini. »
Cela a été un vrai plus d’être associés ! C'est aussi un nouvel exercice, et on a rattrapé des collègues en stress parce qu’ils avaient l'impression d'être responsables de tout ce qui pouvait dysfonctionner dans le bâtiment. On est des chercheurs : on utilise les appareils mais on ne connaît pas toutes leurs spécificités. Et parfois, ça peut être un peu compliqué !