#hôpitaldufutur : Camille Devroedt, vous êtes responsable des services techniques et du développement durable au CH de Millau / Saint-Affrique depuis mars 2020. Le contexte de votre arrivée dans ces fonctions a été particulier, pouvez-vous nous raconter ?
Camille Devroedt : Je m’appelle Camille Devroedt, je suis ingénieur en génie énergétique et environnement, je suis actuellement responsable des services techniques sur deux centres hospitaliers, Millau et Saint-Affrique, et j’ai gardé la casquette chargée de mission développement durable. Précédemment, j’étais en charge du pôle environnement au CHU de Grenoble, qui inclut le management des systèmes énergétiques, sur la base de la démarche ISO 5001, mais également tout ce qui concerne la gestion des flux, les flux de mobilité, les enjeux d’insertion urbaine, de plan de déplacement, au sens large, c’est-à-dire aussi bien domicile-travail que logistique etc… et la gestion des déchets et effluents. C’est vrai qu’avec cette prise de poste le 16 mars 2020, j’ai mis du temps à repenser environnement et développement durable. Je pense que d’abord, cela a été la gestion de l’urgence, la réorganisation de la structure, ça a été un saut dans le grand bain direct ! Dans un premier temps, les enjeux environnementaux n’ont pas été la priorité, mais très rapidement on se rend compte que cette crise sanitaire rappelle à ces enjeux, et dans les actions qui ont été mises en place, aussi bien au niveau de l’organisation des structures, des fonctionnements, ou des choix techniques ou organisationnels, j’ai réussi à réintégrer ces enjeux-là dans les décisions. Juste un petit point sur le développement durable : on a tendance à faire l’amalgame avec l’aspect uniquement environnemental, mais je tiens quand même beaucoup à cet équilibre entre les enjeux sociaux, environnementaux et économiques. Pour intégrer une démarche développement durable dans n’importe quel projet ou situation professionnelle, il faut avoir un équilibre entre ces trois aspects. Dès lors qu’un de ces trois aspects prend le pas sur les deux autres, le système est caduc, il ne peut pas être durable et pérennisé. Le fait qu’on ait une crise qui dure, avec des organisations à maintenir dans la durée, avec des soignants aussi à maintenir dans la durée, même si l’urgence qui prévalait c’était l’urgence sanitaire et l’hygiène, on avait quand même, dans la façon dont c’était organisé dans ces deux établissements, cet équilibre-là qui devait être respecté, ou a minima le garder en ligne de conduite, au maximum. Je pense que les centres hospitaliers de Millau et Saint-Affrique sont certainement représentatifs d’une part des petits établissements français, en termes de vétusté et de gestion de la maintenance. Je ne veux pas faire de généralités, parce que je n’ai vu principalement que ces deux petites structures, enfin, j’en ai vu d’autres, mais pas de façon aussi approfondie. Ce sont deux sites qui sont d’une vétusté assez extrême. Le premier enjeu a été de faire un audit technique, parce que je n’avais pas de plans, pas de synoptiques, et les derniers suivis que j’avais dataient de 2012. Donc, il a déjà fallu refaire un état des lieux technique, essayer de recoller les morceaux, de flécher les priorités en fonction des sujets et thématiques, que ce soit la sécurité incendie, la sécurité électrique, les réseaux de chauffage, les réseaux ECS… Une fois qu’on a fléché ces priorités, il a fallu arbitrer, et, dans les choix de maintenance, d’équipement ou de rénovation, pour faire le choix d’un investissement, que ce soit un investissement lourd ou d’exploitation courante, essayer de le faire de la façon la plus raisonnée possible, au regard de l’impact que ça va avoir sur le confort de la prise en charge des patients, sur le confort de la qualité de vie au travail des professionnels, sur l’impact économique de l’établissement, sur l’impact environnemental également, tous ces enjeux-là sont pris en considération. C’est vrai que le diagnostic de base a été « gérer l’urgence et la sécurité ». Une fois qu’on est dans les clous et dans les normes, après, effectivement, on peut rajouter les autres volets. Mais c’est vrai que l’enjeu de base, après l’enjeu sanitaire de la crise, a été l’enjeux sécuritaire, et ça l’est toujours plus ou moins… Pendant un certain temps, j’étais responsable des services techniques, exclusivement. C’était uniquement de la technique, et tout le monde était dans le même situation d’urgence…Tout était arrêté et tout était concentré uniquement sur cette gestion de risque.
C’est vrai qu’avec cette prise de poste le 16 mars 2020, j’ai mis du temps à repenser environnement et développement durable. D’abord, cela a été la gestion de l’urgence, la réorganisation de la structure, un saut dans le grand bain direct ! Dans un premier temps, les enjeux environnementaux n’ont pas été la priorité, mais très rapidement on se rend compte que cette crise sanitaire rappelle à ces enjeux.
#hôpitaldufutur : Quelles sont les problématiques principales que vous avez identifié à votre arrivée dans cet établissement ? D’abord la question énergétique ?
Camille Devroedt : Une fois qu’on a pu avoir ces diagnostics et ces audits sur nos installations techniques, et que le reste de la France s’est aussi remis à tourner, on a pu prioriser les différents enjeux et rentrer effectivement dans différents types de projets, en lien avec les enjeux techniques, environnementaux et sociétaux qu’on avait identifiés sur le site. Un des enjeux majeurs était justement la partie énergétique, aussi bien pour la partie consommation énergétique que le confort des usagers, et forcément l’aspect économique. L’hôpital se compose de deux sites très différents. Sur le CH de Millau, le bâtiment principal, est construit sur le modèle Duquesne : il n’y a aucune enveloppe thermique, c’est la passoire par excellence… Des menuiseries métalliques, un inconfort pas possible, donc un gros enjeu de rénovation énergétique. À Saint-Affrique, un peu moins : le bâtiment principal date de 1930, et là, pour le coup, il n’était pas trop mauvais en thermique de bâtiment. Le climat était plutôt favorable aussi, à côté d’un cours d’eau, se régulant plus ou moins bien… En revanche, il y avait-là de gros enjeux sur les régulations des systèmes de production et de distribution, sur les systèmes de chauffage notamment. A partir de ce constat, on est parti sur un Appel à Manifestation d’Intérêt, l’AMI Charme, qui est porté par la Fédération Nationale des Collectivités Concédantes et Régies (FNCCR), qui porte sur la rénovation énergétique des bâtiments et établissement médicaux sociaux et sanitaires, en lien avec une entité territoriale. Nous, on est partis en partenariat avec le Parc Naturel Régional des Grands Causses, qui gère tout ce qui est schéma directeur énergies sur le territoire, et qui est déjà très engagé dans ces thématiques puisque qu’ils sont « territoire énergie positive ». Ils ont vraiment une démarche qui est très structurée et très avancée sur le territoire. On est quand même situé en pleine zone Unesco, zone naturelle protégée, Natura 2000 etc…, avec des enjeux majeurs et des ressources naturelles, qu’elles soient hydrauliques, éoliennes ou même solaires, assez intéressantes. On est actuellement en train de lancer justement les audits énergétiques de nos bâtiments, qui sont portés par le Parc mais mis à disposition des établissements, et le but est de voir ce qu’on peut mettre en œuvre à court terme, pour principalement améliorer le confort des usagers, qu’ils soient professionnels ou patients. C’est un vrai enjeu, parce qu’on a une vraie rigueur climatique. La météo, tout en étant relativement plus clémente qu’à Grenoble par exemple, n’en demeure pas moins plus chaude d’année en année, et nous avons une patientèle qui est très âgée. Sur les autres problématiques, on a forcément les enjeux de résilience face aux risques, notamment d’inondation. Le centre hospitalier de Saint-Affrique est situé à côté d’un pont, pile dans le méandre d’une rivière qui s’appelle la Sorgue, et il a déjà subi une inondation majeure en 2014. Tout l’équipement technique était sous l’eau, groupe électrogène, chaudière etc., l’ensemble des équipements qui sont structurellement nécessaires au fonctionnement d’un établissement de santé. Un des buts était justement d’améliorer la résilience de cet établissement, parce que ce qui a été mis en place, actuellement, ne permet pas d’assurer le maintien des activités s’il y a une nouvelle crue. On a déjà retissé les liens avec la collectivité et l’ensemble des parties prenantes, notamment le Syndicat, la Communauté de Communes du Saint-Affricain, et on a été sélectionné en tant qu’établissement-pilote dans le cadre d’un projet, « Résilience des établissements et systèmes de santé face au changement climatique », intégré à un programme Life, et dont le but est de concevoir une boite à outils destinée à tous les établissements de santé qui seraient confrontés à des enjeux climatiques, pour pouvoir aussi bien travailler sur l’adaptation de leur infrastructure, sur l’adaptation de leur organisation et sur la gestion de crise si l’occurrence du risque est réelle. On travaille avec l’équivalent du CNRS grec et différentes entités, en Angleterre, en France. Les autres établissements-pilotes sont des établissements en Grèce et en Italie, et forcément en Grèce le risque incendie prévaut sur le reste.
Un des enjeux majeurs était justement la partie énergétique, aussi bien pour la partie consommation énergétique que le confort des usagers, et forcément l’aspect économique.
#hôpitaldufutur : La mobilité est l’un des enjeux majeurs du développement durable au sein d’un établissement. Quelles mesures concrètes avez-vous pu mettre en place ?
Camille Devroedt : Je ne sais pas si c’est parce que justement je viens de Grenoble, mais un des forts enjeux qui me tient à cœur, c’est la mobilité. A Grenoble, on avait vraiment engagé de belles choses, avec une énorme collaboration avec Grenoble Alpes Métropole, pour travailler sur l’insertion urbaine, les pistes cyclables, la cohérence entre celles qui venaient au site et celles qui étaient internes au site, la mise à disposition d’abris-vélos, les vélos écoles, les ateliers de réparation etc… Également sur la partie « Conseil », en termes d’aide au changement de déplacement et d’information vis-à-vis de l’offre de transports en commun. C’était un travail qui avait été mené de façon très collaborative et approfondie, avec toutes les parties prenantes. Je suis arrivé à Millau et Saint-Affrique, territoire très rural où à 16 ans, ils ont un scooter et à 18 ans ils ont une voiture, et rien de ne se fait sans ces modes de transport. Pourtant, il y a vraiment pas mal de solutions qui existent, elles sont plus ou moins adaptées. Ce qu’il faut bien mettre en avant, c’est que le but n’est pas forcément d’avoir la même solution de mobilité tous les jours, dans toutes les circonstances. La clé c’est l’intermodalité, c’est éventuellement sur un trajet avoir deux modes de transport différents, un mode de transport pour le lundi et le mardi parce qu’on n’a pas d’obligations, et les autres jours de la semaine, avoir un autre mode de transport. Chaque transport autre qu’en voiture, c’est déjà un bénéfice pour l’environnement et pour l’activité physique. Et on va voir que pour le porte-monnaie, ça joue aussi ! Il y a un autre enjeu aussi, c’est l’accès aux soins. C’est-à-dire que, si on n’a pas de véhicule et pas de personne pour nous accompagner, on ne peut pas venir se faire soigner. Les deux gros axes de travaux sont, toujours en cours, soit comment on va vers le soin, soit comment le soin vient à nous. Si je reprends cette exemple-là, pour le service de psychiatrie, qui est un des services les plus amené à aller vers les patients. Pour minimiser l’impact environnemental de ces déplacements, on a acheté d’occasion deux Zoé électriques et deux vélos électriques, pour que les professionnels puissent aller à leurs consultations à domicile. C’était un des premiers points à revoir, la mobilité des professionnels. On a aussi la question de l’interconnexion entre les sites : Millau et Saint-Affrique sont à une trentaine de kilomètre, ça fait entre 30 et 40 minutes en voiture, et entre 1h20 et 1h30 à vélo. Pour travailler sur les déplacements logistiques, le vrai enjeu reste la mutualisation, l’optimisation etc. A Grenoble, on avait commencé à travailler sur des changements de motorisation, notamment pour aller sur de l’électrique. A Millau Saint-Affrique, on en est à remplacer des véhicules qui datent d’avant ma naissance, donc ce n’est pas le même enjeu, et on n’a pas les mêmes budgets non plus. On est dans la rationalisation et l’optimisation. Pour la partie déplacements domicile-travail, effectivement quand on arrive sur un territoire rural, on a en tête qu’on ne peut rien faire sans sa voiture… Mais avec une petite société grenobloise, Geomob, on a travaillé sur un outil de cartographie dynamique qui permet de venir en appui des chargés de mobilité, pour identifier les axes de déplacements et les modes de déplacement les plus optimum selon soit les catégories professionnelles, les lieux d’habitation etc. Quand on a fait un référencement de géolocalisation des professionnels, on s’est rendu compte que quasiment 80 à 90 % des professionnels de Millau et Saint-Affrique habitaient soit sur l’axe de transport en commun régional, soit dans la ville. Donc la solution de la voiture, c’est une solution d’habitude. On pourrait très bien s’en passer, avec les pondérations des courses, des enfants etc…mais c’est possible pour un grand nombre de personnes, ou selon les jours de la semaine éventuellement. Donc on a retravaillé pour informer et sensibiliser. Informer, c’est déjà dire qu’il y a des transports en commun. Quand je suis arrivée à Millau / Saint-Affrique, on m’a dit qu’il n’y avait pas de bus. En fait, il y en a un toutes les heures, et si on s’organise un minimum, on a de quoi s’y retrouver. Donc informer, c’est déjà dire que cela existe, que ce n’est pas cher : faire vos trajets en bus revient à 20 euros par mois, sur le salaire des professionnels de santé aujourd’hui, ce n’est pas négligeable. Pour faire cette sensibilisation, on a fait des « forums mobilité » : on a invité les professionnels à rencontrer les différentes autorités de mobilité durant deux après-midis, les réseaux de la communauté de commune, les réseaux régionaux, le réseau pouce, qui fait aussi bien du covoiturage que de l’autostop organisé. Après ça, on a accompagné les professionnels pour les faire tester de nouveaux modes de transport. On a fait une « semaine sans ma voiture » organisée avec une association régionale qui travaille sur la promotion de l’innovation, la mobilité douce et durable au sein des villages, et également des établissements et entreprises. Pendant une semaine, on a proposé à l’ensemble des professionnels de tester sur un laps de temps de minimum 24h, un mode de transport. Il y avait des vélos électriques, des quad bike. Le but était de lier l’aspect ludique à l’aspect fonctionnel. Des agents rentraient de leurs missions à vélo, et on a eu sur cette phase de test des changements de mobilité. Pour l’aspect ludique, on a fait du transport en calèche aussi, et le seul souci technique qu’on a eu, c’est qu’une des juments qui tiraient la calèche a accouché le deuxième jour. C’était un souci technique irrésolvable par nos services pour le coup ! Cela remet en considération l’aspect « temps utile ». C’est vrai que quand je fais du vélo ou du transport en commun, dans la voiture je peux mettre la radio, la musique, je ne passe pas d’appel mais je sais que ce n’est pas forcément possible pour toute les professions. En revanche, quand je suis dans un transport en commun, que ce soit un train, un bus etc. je peux être concentrée, terminer un travail, répondre à des mails. Quand je suis à vélo je considère que c’est de l’activité physique, je suis à l’air libre, je suis dans un paysage qui est très agréable, donc c’est aussi du temps personnel. Le covoiturage, c’est du temps de convivialité, du temps d’échange, en dehors d’une phase purement professionnelle. Recontextualiser ce temps de trajet c’est aussi essentiel, prendre 10 minutes de plus sur son trajet mais gagner en sérénité parce qu’on n’a pas l’angoisse de trouver une place de stationnement, d’être dans les embouteillages, c’est peut-être 10 minutes qui ne sont pas perdues, c’est du temps de vie en sérénité. Certes, on passe plus de temps à faire ce déplacement, mais c’est un temps qui est agréable. On arrive soit chez soi soit à son travail calme, serein, on a le temps de discuter avec ses voisins de calèche, de lire etc… Une fois qu’on a fait cette phase de sensibilisation, on a cherché à faciliter le changement de mode de transport. Parce que ce n’est pas le tout de dire « il faut venir à vélo », il faut qu’il y ait, d’un point de vue infrastructure, de quoi permettre ce déplacement. On a remis des abris-vélos, quasiment sur tous les sites. Il y avait encore le programme « Alvéole » qui permettait une aide assez substantielle sur le financement de ces abris-vélos. Sans ce type de programme, de financement, c’est le genre d’actions que je n’aurais jamais pu faire. On a donc remis des abris vélo aussi en libre accès, pour les patients et les visiteurs et des abris-vélos sécurisés pour les professionnels. Car dans la région, le vélo électrique est quand même un indispensable, ce n’est pas de la haute montagne, mais ce sont des plateaux et des gorges, il peut y avoir bien 400 mètres de dénivelé. Avec le vélo électrique, la crainte est de se le faire voler, qu’il soit abimé par les intempéries, donc on a mis en place des abris-vélos sécurisés, avec la toiture, les arceaux qui permettent d’attacher le vélo correctement. Et puis, on a travaillé avec les collectivités pour sécuriser la circulation. Autant, à Grenoble, tout était déjà bien pris en considération, autant à Millau, ce n’était pas trop dans les mœurs. Mais il y a actuellement un vrai engagement de la municipalité et de la Communauté de communes sur ce sujet-là. Ils ont testé leurs premières pistes qui sont encore en expérimentation. Ils ont une vraie réflexion là-dessus, à laquelle on est associés. D’ailleurs, la première piste qu’ils ont fait allait vers le centre hospitalier ! Effectivement, tous les enjeux de mobilité, que ce soit au niveau des transports en commun, des pistes cyclables ou autre, ce sont vraiment des enjeux qui ne peuvent pas se travailler en intra-hospitalier. Il faut vraiment que ce soit avec les collectivités, les autorités d’organisation de mobilité, voire les entreprises autour. C’est bien pour ça qu’on parle de plan de déplacement inter-entreprises, pour atteindre la masse critique pour les transports en commun, pour le covoiturage, ça ne se fait qu’en fédérant un besoin commun sur une trajectoire commune. Effectivement, ce sont d’autres enjeux fondamentaux
Ce qu’il faut bien mettre en avant, c’est que le but n’est pas forcément d’avoir la même solution de mobilité tous les jours, dans toutes les circonstances. La clé c’est l’intermodalité, c’est éventuellement sur un trajet avoir deux modes de transport différents.
#hôpitaldufutur : Gestion au quotidien, maintenance et investissements d’avenir, comment faire face à des impératifs parfois contradictoires, et réaliser les arbitrages ?
Camille Devroedt : Il y a plusieurs niveaux, concernant les choix d’investissement et d’exploitation propres. L’arbitrage est prioritaire au niveau de la sécurité et du maintien de la continuité de services des établissements. Tous les projets que je vous ai cité précédemment, ce ne sont que des projets qui sont subventionnés. Sans le programme « Alvéole », je n’aurais pas pu poser des arceaux vélos, sans l’AMI Charme, je n’aurais jamais pu avoir un poste de collecte de tri, je n’aurais jamais pu faire valider mes audits énergétiques, et sans le programme « Life », je ne suis pas sûre que j’aurais pu avancer aussi rapidement sur ces thématiques-là. Je vais en citer un autre, sur l’alimentation : on a un programme aussi sur la lutte contre le gaspillage alimentaire et la dénutrition. C’est un projet qui est financé par l’ADEME, mais que ce soit dans cette petite structure ou même à Grenoble, tous les projets environnementaux qui ont été menés, étaient soit mené grâce à des subventions ou des appels à projets, des appels à manifestation d’intérêt. Il y a toujours une partie en fonds propres, mais généralement, ce qui fait qu’on s’engage, c’est qu’une grande partie est prise en charge par une tierce personne. L’arbitrage se fait en considération de l’ensemble des autres problématiques en cours. Après comme je l’ai dit, le développement durable reste une démarche. Il est tout à fait envisageable que ça soit dans le pôle Ressources humaines ou dans le pôle Achats, ou Services techniques, d’intégrer ces démarches dans les choix d’investissement et d’organisation qui sont faits. Cela peut être sur les choix de matériaux, sur les équipements, sur toutes ces thématiques, de voir quel est celui qui va avoir le moins d’impacts, aussi bien au niveau de la matière première utilisée que sur l’exploitation, l’économie de la fonctionnalité, la mutualisation, la consommation responsable, la consommation collaborative, l’allongement de la durée d’usage… Les Services techniques notamment à Saint-Affrique, ils ont des doigts en or ! Ils arrivent à avoir un taux de réemploi et de réutilisation qui est phénoménal. On est vraiment dans cet esprit de réemploi, et quand on peut plus faire de valorisation, on recycle. C’est une gestion très rationnelle, et le fait d’être dans une petite structure limite aussi les échelons de dialogue. Quand il y a un besoin d’achat, le service Achats me contacte pour avoir les contraintes techniques, les conseils, les préconisations : le dialogue est beaucoup plus fluide, beaucoup plus rapide peut-être que dans une structure plus importante. On gagne en échanges, en transversalité, sur les besoins usagers, sur l’achat en tant que tel, sur nos contraintes techniques en termes d’exploitation et préconisation. On n’en demeure pas moins soumis à la problématique du GHT, le Groupement Hospitalier de Territoire, qui nous limite fortement pour tout ce qui relève des synergies avec le tissu économique local, et pour les couts également. En tant que petit établissement, on est limité, et c’est dommageable pour certains sujets. Si je parle de l’alimentation, alors qu’on avait une flexibilité et de la souplesse avec un tissu agricole aveyronnais particulièrement dynamique, on se retrouve à acheter des fruits via je ne sais quelle centrale d’achat. Ils arrivent congelés et durs, ils ne sont pas mangés etc. Je le vois aussi au niveau des marchés d’entretien, c’est vrai qu’on ne peut retenir la petite entreprise Saint-Affricaine qui pourrait intervenir rapidement sur l’établissement, c’est peut-être une grosse PME voir plus qui va intervenir, voire avec des frais de structure bien plus importants, un calendrier bien chargé et du coup pas la réactivité qu’on attend. Ce sont des points qui ne sont pas forcément simples à intégrer, surtout si on veut à la fois agir sur les directives qu’on a du GHT, puis les directives au niveau national sur la loi EGalim, le tissu local, la loi Climat et résilience, etc… Il y a là des contradictions fonctionnelles.
Le développement durable reste une démarche. Il est tout à fait envisageable que ça soit dans le pôle Ressources humaines ou dans le pôle Achats, ou Services techniques, d’intégrer ces démarches dans les choix d’investissement et d’organisation.
#hôpitaldufutur : Camille, en guise de mot de la fin, pour que l’Hôpital de demain soit plus durable, quelles suggestions feriez-vous ?
Camille Devroedt : Ce qu’on souhaiterait, c’est que ces enjeux soient pris en considération dès la conception du projet. Je travaille sur le futur hôpital commun entre Millau et Saint-Affrique, et c’est vrai que le choix de l’implantation du site il s’est fait sur plusieurs considérations. L’enjeu premier était le risque naturel, la sécurité : on a donc éliminé tout ce qui est risque inondation. On a aussi des problématiques de sol, de retrait des argiles. Ensuite, il y a forcément l’impact environnemental. Comme je vous l’ai dit, nous sommes en zone Natura 2000, zone protégée. Il va y avoir aussi des enjeux de réseaux et d’infrastructures. Effectivement, le choix entre créer quelque chose au milieu de rien, où il va falloir gérer les rejets, gérer les effluents, l’approvisionnement etc…. Ou s’implanter sur un terrain où il y a déjà quasiment tout, ce n’est pas le même enjeu ! Après, sur la question de la mobilité, il y a ces enjeux de pentes et dénivelés, de temps de trajets, d’hélistation etc… Il y a tout l’enjeu de l’étude de plan masse bioclimatique, à savoir le positionnement de la structure sur cet espace-là. Tous ces enjeux priment, notamment les risques et l’impact qu’aura le site, à terme, sur l’espace naturel, ou pas naturel d’ailleurs. Ensuite, concernant la structure en tant que telle de l’établissement, ce que je souhaiterais vraiment, c’est qu’on puisse avoir une démarche du même type que la RE2020 qui puisse s’appliquer dès à présent sur les bâtiments sanitaires et médicaux sociaux, puisqu’on a aussi bien des enjeux de ressources, de matières premières, d’où elles sont prélevées, ce qu’elles vont devenir, leur fin de vie… Un autre des enjeux, c’est la ressource énergétique : concevoir des structures qui soient le moins énergivores possible. Idéalement, ça serait un bâtiment qui puisse être autonome, hors équipement médicaux. Que la structure, d’un point de vue fonctionnel, avec son éclairage, son chauffage, puisse être quasiment autonome. Et c’est aussi un enjeu de résilience. Ce sont vraiment des éléments qui aujourd’hui nous semblent essentiels, aussi bien pour l’établissement que pour la société de façon générale. L’autre enjeu, aussi c’est de raisonner à des échelles différentes, à des temporalités différentes : effectivement, on a tendance à se focaliser sur l’enveloppe investissement du budget alloué au projet en tant que tel, sans forcément prendre en considération l’impact que certaines idées ou certaines conceptions pourront avoir sur l’exploitation du projet après. Il faut trouver un compromis entre un choix architectural, un design et l’impact que cela peut avoir sur les usagers.
L’autre enjeu, aussi c’est de raisonner à des échelles différentes, à des temporalités différentes : effectivement, on a tendance à se focaliser sur l’enveloppe investissement du budget alloué au projet en tant que tel, sans forcément prendre en considération l’impact que certaines idées ou certaines conceptions pourront avoir sur l’exploitation du projet après.