#hopitaldufutur : Rodolphe Bourret, quelles sont les spécificités du Centre Hospitalier de Valenciennes, «hôpital magnétique » ?
Rodolphe Bourret : Le Centre Hospitalier de Valenciennes est le plus grand centre hospitalier général de France, il y a à peu près 2000 lits et places et 3500 agents qui y travaillent. C’est une direction commune avec le centre hospitalier de Fourmies qui est un établissement qui est distant de 80 km de Valenciennes qui se situe dans le département du Nord. L’ensemble du complexe géré par cette direction commune c’est 6000 agents, 2500 lits et un budget de l’ordre de 500 millions d’euros. C’est un établissement support d’un des plus gros GHT nationaux, qui couvre une population d’à peu près 850.000 habitants, sa particularité c’est qu’il est transfrontalier, proche de la frontière belge et ça a eu des conséquences importantes notamment dans cette période épidémique parce que nos amis belges sont fortement touchés par le covid, et nous on a été à la confluence de diffèrent flux. On est une zone de passage importante ce qui fait qu’on a été fortement touchés par la première et deuxième vagues, et on n’a pas eu de chance sur cette période estivale parce qu’on a eu aussi la canicule. C’est un établissement qui a été au front tout le temps depuis le mois de mars 2020. C’est intéressant de voir, la résilience qu’a eu l’établissement pendant cette période de stress continue. Le groupement hospitalier du territoire s’appelle le Groupement Hospitalier du Hainaut-Cambrésis, il a 13 établissements avec trois zones qui constituent ce GHT, la zone du Valenciennois, la zone du Cambrésis et la zone du Maubeugeois. Dans la réflexion sur les parcours de soins et de santé, on a des filières de soins qui vont être graduées en fonction des territoires de proximité, on va raisonner sur ces trois territoires. La particularité du Centre Hospitalier de Valenciennes, est qu’il est reconnu pour son mode d’organisation et son mode de management, unique en France, qui se rapproche du mode de management des hôpitaux magnétiques. L’« hôpital magnétique », c’est une notion qui est née dans les années 80 aux Etats-Unis, où ils se sont aperçus qu’ils avaient une pénurie d’infirmiers importante et que ça entrainait des difficultés au niveau de qualité des soins. Ils se sont demandé comment faire pour avoir une meilleure attractivité au niveau de ces infirmiers et ils se sont dit que la meilleure façon de pouvoir avoir une meilleure attractivité au niveau des professionnels de santé c’était d’avoir une gouvernance qui incluait les infirmiers. Les « hôpitaux magnétiques » sont des hôpitaux qui ont une tripode de gouvernance, avec trois personnes qui gèrent les établissements et les activités, un médecin, un soignant et un administratif. En France, tous les établissements publics de santé ont un mode de fonctionnement très hiérarchique, dans les hôpitaux magnétiques on inverse la pyramide de gouvernance, ce sont les acteurs de proximité qui prennent les décisions, en mode projets et de façon matricielle. Cette organisation permet de mettre en dynamique tout un établissement. Les plus gros hôpitaux actuellement qui ont des réputations internationales, ce sont des hôpitaux qui sont sur ce mode d’ « hôpital magnétique », il y a à peu près 500 hôpitaux dans le monde qui sont labelisés hôpital magnétique, donc la MAIO Clinique régulièrement classée numéro 1, mais aussi à Singapour. Le Centre Hospitalier de Valenciennes a mis ce concept en place il y a entre 8 et 10 ans, ils ont utilisé la loi HPST qui avait tout pour permettre de déployer ce concept, on avait la capacité de donner des responsabilités aux pôles. Mon prédécesseur, Philippe Jahan, et son président de CME, ont poussé au maximum cette loi en donnant 90 % des prérogatives qu’avait le directeur général aux chefs de pôles, qui lui-même peut déléguer au chef de service, qui lui-même peut déléguer à d’autres représentants dans son service. Tout ce qui est stratégique est géré par la direction générale et la présidence de CME, tout ce qui est opérationnel est géré par les chefs de pôles, qui participent à la stratégie, mais pour avoir une cohérence globale la validation est régulée via la direction générale. Ainsi, on s’appuie sur les plans généraux de santé et celles de l’ARS. En fonction de cela, on écrit un projet d’établissement, et son projet médical, sur 5 ans. Par exemple, on a sur notre territoire un déficit important en matière de prise en charge de chirurgie de la main, on a beaucoup d’industrie comme Toyota, Bombardier etc., on a donc mis dans notre projet d’établissement le développement d’un service de chirurgie de la main. Ça a été validé par les instances, les présidents CME, et les directeurs généraux, on a donc créé un service de chirurgie main, épaule, pied. Une fois que ça a été validé, le pôle de chirurgie a porté ce projet-là pour le prioriser dans un contrat de pôle. Le chef de pôle nomme un chef de projet pour écrire le projet de chirurgie de la main, on appelle à ça un « business plan », avec des recrutements de chirurgiens, du temps d’anesthésistes, du temps de blocs, des infirmières etc. Une fois qu’il a écrit son projet, il l’a présenté devant une commission stratégique de projet, à ses pairs, qui ont validé la création d’un service de chirurgie de la main avec une enveloppe avec un budget. Il est garant de ce budget-là, de tous les recrutements, de tous les investissements. L’administration n’est pas intervenue dans la mise en place de ce projet, mais uniquement pour l’accompagner dans ses recrutements. Cette organisation a boosté le projet, mené en 3 mois, entre le moment de validation et le moment où le service de chirurgie de la main s’est mis en place. Le circuit de commandement est très rapide puisqu’il n’y a pas d’autre validation que la validation centrale qui, lorsqu’elle est donnée, l’enveloppe est attribuée, puis il y a une confiance totale qui est créé avec le chef de pôle. Bien sûr, la validation n’exclut pas le contrôle, et donc il y a des évaluations qui sont faites en aval. On a fait exactement la même chose pour le renouvellement de notre plateforme d’imagerie, en site occupé, pour 15 ou 20 millions d’euros, on a tout changé en 18 mois. Pour compléter sur l’attractivité : quand on a commencé notre projet d’imagerie, on avait très peu d’internes et moins de dix radiologues. A la fin de ce projet, on avait la totalité des internes de dernier semestre qui voulaient venir à Valenciennes, on a même des radiologues qui veulent venir, mais on n’a plus de places. Quand on met les responsabilités au bon niveau, on arrive à responsabiliser les gens, à rendre attractive une politique et à impliquer les professionnels de santé. Avant le Covid, il y avait des grèves, et notamment dans les urgences, de médecins et internes. Nous, on n’a pas connu ça, puisque les moyens sont votés par le corps médical. Nos urgentistes ont été solidaires du mouvement mais il n’y avait pas de revendications du côté de Valenciennes.
Quand on met les responsabilités au bon niveau, on arrive à responsabiliser les gens, à rendre attractive une politique et à impliquer les professionnels de santé
#hopitaldufutur : Comment la stratégie du CH Valenciennes s’articule-t-elle aux stratégies du territoire ?
Rodolphe Bourret : L’Agence Régionale de Santé fixe son projet régional de sante, nous on le décline en un projet d’établissement qui est tout de suite décliné en autant de contrats de pôles que nous avons de pôle dans notre établissement. Ces contrats de pôle prennent une partie des domaines de la stratégie régionale pour le décliner en local sur le territorial. On a ensuite de contrat d’objectif annuel avec le pôle, ils vont prioriser les projets entre eux qui vont nécessiter des enveloppes qui leur sont entièrement délégué, ils sont donc autonomes pour gérer les projets. Tout le monde peut être chef de projet, on l’a vu c’est un chirurgien qui est devenu chef de service qui a mené un projet de mise en place d’un service de chirurgie de la main. On peut très bien avoir un cadre responsable de la mise en place d’un projet, ou un pharmacien qui est responsable de changer le dispositif de radiopharmacie, chacun peut être acteur du moment que son projet est validé via les instances.
#hopitaldufutur : Comment cette gouvernance rend-t-elle l’hôpital plus désirable ?
Rodolphe Bourret : J’ai travaillé dans différents secteurs et en même temps j’ai travaillé dans des très gros hôpitaux, Grenoble, Lyon, Marseille, Montpellier. J’ai un parcours qui me permet de dire en quoi c’est désirable d’avoir ce mode de fonctionnement au centre hospitalier de Valenciennes. Ce que j’ai connu dans les CHU, c’est un fonctionnement qui est extrêmement lourd, avec une part de la structure qui est prépondérante, et souvent ce sont des hôpitaux qui fonctionnent d’abord tournés vers la structure et non tournés vers le soin. C’est notre grosse difficulté actuellement au niveau du système français, c’est de dégonfler le système actuel où on a une part d’hôpitaux de structure pour les orienter vers le soin. Quand je regarde le CH de Valencienne, on a un pôle administratif qui pèse 5% du budget total de l’établissement. Dans les pôles administratifs dans les hôpitaux que j’ai connu jusqu’à présent, en moyenne nationale, c’est entre 30 et 33% du budget. C’est donc plus intéressant d’être dans ce mode de fonctionnement, parce que les efforts sont des efforts où l’administration est tournée vers l’expertise et pas tournée vers la gestion. La gestion, elle se fait au quotidien par les chefs de pôle, avec des gestionnaires qui composent leur propre pôle. Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de pôle administratif, il y en a dans les pôles, mais décidées en fonction de ses besoins. Pour tous les établissements que j’ai connu ou eu à gérer, l’exemple le plus caractéristique, c’est le directeur central des soins infirmiers, il règne sur une batterie d’infirmier(e)s, d’aides-soignants et c’est lui qui décide des remplacements, des recrutements, de qui va où etc…. Ce n’est pas efficace, parce que vous avez quelqu’un qui va gérer en central les besoins des services et des acteurs de proximité. Au centre hospitalier de Valenciennes, le directeur central des soins infirmiers ne porte plus ce nom, c’est le coordinateur général des soins infirmiers, c’est un directeur des soins. L’ensemble des agents sont sous la responsabilité des chefs de pôles qui vont gérer l’ensemble des effectifs, des infirmières, ses aides-soignantes, ses cadres et cadres-sup. Lorsqu’il y a des absences dans son service, c’est lui qui gère, avec son budget, comment il remplace, comment il ferme les lits etc. C’est une organisation beaucoup plus efficace, parce qu’il n’y a plus de confrontation avec une administration ! Le pôle est responsable et à partir de ce moment-là, il prend les décisions qui conviennent. La difficulté, c’est qu’il faut faire tourner tout ça avec une certaine cohérence au sein de l’établissement, pour pas que chacun travaille dans sa business-unit de manière isolée, sur son domaine de compétence. Pour pouvoir gérer ce système, on fait des contrat inter-pôles. Cela amène une très grosse attractivité au sein de l’établissement. Au CH de Valenciennes, nous n’avons aucun problème sur nos maquettes médicales et je prends 10% de parts de marché chaque année en chirurgie. J’ai peut-être des soucis sur les métiers les plus en tension, mais c’est minime. L’inconvénient, c’est qu’on a une activité qui est très forte, un très gros dynamisme, et les personnes qui viennent travailler chez nous elles savent qu’elles vont travailler beaucoup, ils s’investissent beaucoup et ceux qui veulent travailler moins souvent partent par eux même.
Ce modèle laisse la part à l’initiative, elle n’est pas sur une chappe administrative où l’on doit remplir des objectifs, ils doivent être remplis mais en même temps on laisse la place à l’imagination, à la créativité et aux projets. Si les médecins qui sont chez nous souhaitent mettre en place des réseaux ville-hôpital, c’est un projet comme un autre
#hopitaldufutur : Cette organisation a-t-elle créée des cercles vertueux avec l’extérieur, et pour le reste du parcours de soin ?
Rodolphe Bourret : Ce modèle laisse la part à l’initiative, elle n’est pas sur une chappe administrative où l’on doit remplir des objectifs, ils doivent être remplis mais en même temps on laisse la place à l’imagination, à la créativité et aux projets. Si les médecins qui sont chez nous souhaitent mettre en place des réseaux ville-hôpital, c’est un projet comme un autre. Par exemple, sur le pôle de biologie on a mis en place des tests massifs pour la population, pour les communes, on s’est associé avec les infirmiers de ville, et on les a même fédérés en une association qui a été créée à notre demande, et à partir de ce moment-là c’est eux qui ont fait les points de prélèvement pour la population. A notre demande, ils vont de ville en ville faire des prélèvements, et ils envoient à notre centre de biologie les résultats des test PCR. En même temps, on les forme à d’autres types de détection, par exemple s’ils voient quelqu’un qui est essoufflé, ils peuvent leur conseiller d’aller voir leur médecin généraliste. On a fait ça également avec les dentistes de ville, en oncologie, ils sont capables de détecter des tumeurs ou cancer au niveau de la bouche. On a des initiatives qui sont faites au niveau de notre établissements vers la ville justement pour mettre en place des CPTS avec des équipes pluridisciplinaires avec un support via de la télé-expertise au niveau de nos nombreux spécialistes. On a mis en place un réseau de point d’appel pour les médecins généralistes avec un numéro unique par spécialité, on a une plateforme téléphonique et les médecins peuvent activer la ligne du spécialiste pour avoir un avis rapide sur une difficulté qu’ils peuvent rencontrer dans leur cabinet. Ce n’est pas l’administration qui va porter ces exemples, si ce n’est pas fait par une initiative locale, ce n’est jamais fait. Il faut miser sur le capital humain et sur l’appropriation de tous ces dispositifs mais surtout il faut accompagner les gens en leur donnant la capacité de pouvoir le faire.
On a mis en place un réseau de points d’appel pour les médecins généralistes, avec un numéro unique par spécialité, sur une plateforme téléphonique. Les médecins peuvent avoir un avis rapide sur une difficulté qu’ils peuvent rencontrer dans leur cabinet. Ce n’est pas l’administration qui va porter ces exemples, si ce n’est pas fait par une initiative locale, ce n’est jamais fait. Il faut miser sur le capital humain et sur l’appropriation de tous ces dispositifs, mais surtout il faut accompagner les gens en leur donnant la capacité de le faire
#hopitaldufutur : Est-ce que cette ouverture se tourne aussi vers le patient, les associations, le monde social ?
Rodolphe Bourret : On a des associations de patients, ils sont intégrés, et on a fait un bureau dans le hall central, parce que c’est eux les meilleurs juges de la qualité des soins qu’on peut leur apporter. On s’est basé sur un label qui a été porté sur l’AP-HP, le label « hospitalité » et actuellement on est en train de déployer ce label sur l’ensemble des services du CH de Valenciennes. C’est un label d’accueil et d’hospitalisation fait par les professionnels et les patients, on a des référents patients qui viennent dans les services avec un certain nombre de points d’évaluation en fonction desquels on accorde ou non le label Hospitalité. Là aussi on a une évaluation qui est de terrain par les patients sur ce qu’ils pensent des services. Actuellement on en a déployé 5 ou 6. L’hôpital, c’est une structure de sante, mais c’est aussi un acteur social, on a donc des initiatives sociales importante parce qu’on considère qu’on a un rôle à jouer qui dépasse le soin, qui est humaniste. Par exemple on a une production de plateau repas en surplus qui est donné aux restos du coeur, on donne à peu près mille repas par mois. On a également des distributions de repas qui sont fait par la croix rouge ou différentes associations, aux maraudes on associe un infirmier pour profiter de la distribution des repas aux sans-abris pour leur faire un shake up infirmier pour savoir s’ils ont des problèmes ou pas ? Et on essaye de les convaincre de venir dans un service spécialisé chez nous qui accueille ce type de patient pour les maintenir en bonne santé. On est en train de réfléchir à un hôtel hospitalier covid pour justement ces gens-là qui n’ont pas la possibilité de venir dans des structures, d’avoir un temps qui leur permettent de combattre leur maladie en sécurité et accompagner socialement. Tous cela, ce sont des initiatives portées par les services, j’y ai participé sur la question du coût, mais même pour ça, tout est inclut dans la gestion d’ensemble. Dans ce système équilibré, chacun y trouve sa place.
Le mode de management que nous utilisons s’apprend quand même, vous ne pouvez pas dire à un médecin, « vous allez être chef d’un business unit sans qu’il ait un minimum de compétence ». Nos chefs de pôles suivent des formations de management, nous avons créé un partenariat avec l’Université polytechnique des Hauts de France, qui leur permet d’avoir les bases du fonctionnement d’un établissement
#hopitaldufutur : Comment créer les conditions de ces initiatives ?
Rodolphe Bourret : Une fois qu’on a donné la capacité aux gens de s’exprimer, ils s’expriment, surtout s’il y a une relation de confiance qui s’établit et qu’on ne va pas les juger. Tout ne réussit pas, mais on ne va pas les juger. Le mode de management que nous utilisons s’apprend quand même, vous ne pouvez pas dire à un médecin, « vous allez être chef d’un business unit sans qu’il ait un minimum de compétence ». Il y a un accompagnement qui est nécessaire, nos chefs de pôles par exemple suivent des formations de management, nous avons créé un partenariat avec l’Université polytechnique des Hauts de France, qui leur permet d’avoir les bases du fonctionnement d’un établissement. Par exemple, savoir ce qu’est un état prévisionnel des recettes et des dépenses. Dès qu’on sent qu’ils sont capables d’évoluer par eux même, on les laisse, quitte à revenir s’ils sont en difficulté. La seule façon de faire, c’est d’impliquer les gens et de leur faire confiance, et à partir de ce moment-là, on n’a même pas besoin d’audit, parce qu’ils savent ce qu’il faut faire.
La seule façon de faire, c’est d’impliquer les gens et de leur faire confiance, et à partir de ce moment-là, on n’a même pas besoin d’audit, parce qu’ils savent ce qu’il faut faire
#hopitaldufutur : Quels enseignements tirez-vous de la crise sanitaire ?
Rodolphe Bourret : Dans beaucoup d’établissements, la crise Covid a été une révolution, puisqu’on a mis les médecins en donneur d’ordre et les administratifs ont été un accompagnement et bien souvent ça a été compliqué, il y a eu des problèmes de ressources. Pour nous au CH de Valenciennes, ça n’a pas été une révolution, puisque le mode d’organisation était déjà celui-ci, nous avons juste réorienté notre ordre de soin, c’est-à-dire qu’on soignait ce qu’on devait soigner et quand est arrivé le covid on a arrêté les offres de soins qui étaient moins prioritaires. Ça s’est fait sans trop de difficultés, les services se sont entendus entre eux, les déprogrammations se sont faites simplement. Tout le monde n’était satisfait bien sûr, mais ils ont compris et sont venus prêter main forte sur les unités covid, pour un chirurgien faire de la médecine ce n’est pas si simple que ça. Puis on a récupéré des infirmières, les services de soins aigus ont formé les infirmières de psychiatrie, de médecine au soins aigus, on a formé entre 150 et 200 personnes. On a mis en place tout un processus mais ça s’est fait relativement simplement et très rapidement. En 15 jours, on a tout redéployé. Les services se sont entendus entre eux pour déménager, tout le monde s’est remis autour de la table et la gastro s’est déplacée pour laisser place à une unité covid, la neurologie s’est serrée pour laisser la place aussi, et ainsi de suite. Les services administratifs ont accompagné ces déménagements, on a mis du nouveau matériel et tout s’est fait naturellement. Ce qu’on a remarqué sur le plan de l’espace : on a dû être capables d’isoler les unités covid de façon qu’elles ne soient pas contaminantes pour les autres unités d’hospitalisation. Il y a une réflexion à avoir sur des zones qui vont être spécialisées dans un temps donné et qui doivent être agiles pour pouvoir se transformer, surtout en période épidémique. Et plus ces unités sont banalisées, plus c’est facile.
Ce qu’on a remarqué sur le plan de l’espace : on a dû être capables d’isoler les unités covid de façon qu’elles ne
soient pas contaminantes pour les autres unités d’hospitalisation. Il y a une réflexion à avoir sur des zones qui vont être spécialisées dans
un temps donné qui doivent être agiles pour pouvoir se transformer, surtout en période épidémique. Et plus ces unités sont banalisées, plus c’est facile
#hopitaldufutur : Nouvelles pratiques, nouveaux espaces ? Quels espaces spécifiques voyez-vous émerger ?
Rodolphe Bourret : On a mis en place un plateau banalisé de consultation, où nos chirurgiens et nos médecins viennent. On est en train de se déplacer sur des plateaux communs mutualisés, où on a une organisation propre. On a également en discussion des unité tampon, entre les services d’Urgences et les services de spécialité, car la difficulté pour les services d’Urgences c’est de trouver de la place dans les services de spécialités. On a donc mis en place une unité d’hospitalisation temporaire médicalisée, c’est-à-dire que quand il n’y a pas de place dans les services de spécialité, on a une unité dans laquelle le patient, plutôt que d’attendre aux urgences, il est mis dans cette unité. Il y a un médecin de médecine polyvalente qui prend en charge cette unité et s’occupe de la coordination globale et un spécialiste vient voir le patient dans cette unité. Dès qu’une place se libère le patient est placé dans l’unité de spécialité, avec la contrainte qu’ils ne peuvent pas rester plus de 24h.
On a mis en place un plateau banalisé de consultation, où nos chirurgiens et nos médecins viennent. On est en train de se déplacer sur des plateaux communs mutualisés, où on a une organisation propre, et on a également en discussion des unités-tampons, entre les services d’Urgences et les services de spécialité
#hopitaldufutur : Et en regard de la qualité de vie au travail ?
Rodolphe Bourret : Au quotidien, nos agents imaginent comment ils veulent se voir au travail et ce qui peut leur simplifier la vie. Par exemple notre pôle urgences-réanimation-anesthésie a trouvé intéressant de mettre en place une conciergerie. Ils ont contacté eux même un petit producteur local pour la mettre en place, il a contacté des maraichers locaux, ils peuvent acheter des fruits. Ils ont vu que ça marchait bien, ils l’ont complété avec du pressing, du pain etc. et petit à petit les gens se sont organisés et ont créé une communauté autour de ça. Il y a des pôles, par exemple, qui ont mis en place des séances de relaxation pendant leur temps de travail. On leur laisse ces initiatives, on ne les surveille pas, puisque ce qui est important c’est la qualité de soin et la qualité de vie au travail et qu’ils ont la pleine responsabilité de cet environnement, ils n’ont pas besoin de rendre des comptes à l’administration. En ce moment, on fait beaucoup d’effort sur le développement durable. On vient d’acquérir la norme 14000 001 qui est la norme environnementale développement durable, on est le plus gros établissement en France à l’avoir obtenue, et on paie les vélos ! Et ces initiatives, je ne les connais pas toutes !
Au quotidien, nos agents imaginent comment ils veulent se voir au travail et ce qui peut leur simplifier la vie. Par exemple notre pôle urgences réanimation-anesthésie a trouvé intéressant de mettre en place une conciergerie
#hopitaldufutur : Pour conclure, les enjeux majeurs pour l’hôpital du futur ?
Rodolphe Bourret : Il y a deux volets dans l’hôpital de demain, le volet médecine et le volet du coeur, des plateaux chauds qu’il faut dimensionner de manière intelligente notamment dans les périodes épidémiques nationales qui vont arriver, sur lequel on a besoin d’avoir de l’agilité, parce qu’à un moment donner ils vont servir de spécialités, mais passer sur d’autres urgences si besoin. Par exemple, une réanimation cardiologique quand on est en période non épidémique elle va faire de la réanimation cardiaque, mais en période de covid elle risque d’être réutilisé pour de la réanimation covid. L’autre chose, ce n’est pas le patient qui doit aller au médecin, c’est le médecin qui doit aller au patient. Quand on dimensionne un hôpital, on doit le dimensionner en fonction de son territoire, souvent on le dimensionne en fonction de besoins locaux, et il faut que l’hôpital s’insère dans son territoire, penser le soin gradué. Quand on voit que les patients ne peuvent pas se déplacer, qu’ils n’ont pas accès au soin, que ce sont des gens en situation de précarité, si on a la capacité d’avoir des équipes mobiles et territoriales avec des espaces qui sont fait pour accueillir ces équipes, ça rendra service à la population. Il faut imaginer des espaces qui permettent d’accueillir ces équipes territoriales. Puis il y a toute une organisation du soin qu’il faut réfléchir, qui n’est pas obligatoirement un soin médical, mais qui peut être paramédical, avec des espaces pour ces pratiques avancés, et enfin il faut mettre en place des outils pour faire en sorte que l’information circule au sein du territoire.
Enfin, ce n’est pas le patient qui doit aller au médecin, c’est le médecin qui doit aller au patient. Quand on dimensionne un hôpital, on doit le dimensionner en fonction de son territoire